Rôle :
Il maintient la douceur des climats de l'Europe occidentale.
L'appel des eaux tièdes qui rendent supportables nos hivers européens
pourrait fluctuer sur des échelles de temps beaucoup plus courtes.
Des bloques de glace se détachant de l'atlantique nord et
coulant vers le sud (tapis roulant).
La situation actuelle du tapis roulant serait au bord de
l'instabilité, c'est-à-dire qu'une petite augmentation des apports d'eau douce en cette
région suffirait pour bloquer la circulation en tapis roulant. Si le réchauffement
global entraîné par le renforcement de l'effet de serre conduit à une augmentation des
précipitations sur la mer de Norvège, ou à des fontes de glace aux marges du Groenland,
risquons-nous un refroidissement un Europe ?
Robert KANDEL
Analyse de novembre 2004 (ACIA)
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Il existe heureusement
des exemples plus simples, comme le premier courant marin découvert, le Gulf
Stream. Celui-ci est fondamentalement différent d'El-Niño, par son mode de
naissance "classique" et par sa permanence. Et pourtant, nombre de doutes
subsistent à son sujet... |
Gulf Stream
: Généralités
Le Gulf Stream est un
très grand courant océanique permanent et chaud de l'Atlantique Nord. Il
est en fait une partie d'un plus grand courant, grossi par d'autres
déplacements d'eaux affluents. Ce courant se forme dans le golfe du
Mexique, où les eaux sont chaudes. Les courants permanents ainsi que les
vents très puissants permettent d'amorcer des mouvements océaniques. Ce
courant passe entre Cuba et la pointe de Floride. C'est à ce niveau que le
courant atteint sa largeur maximale, d'environ 80km, et une profondeur de
640m. Sa vitesse varie alors de 100 à 150 km/jour. A ce niveau, son débit
est estimé à 85 millions de mètres cube d'eau à la seconde et sa
température varie de 30 à 35°C. Il longe la pointe de Floride, vers le
nord puis il change de direction, vers le nord-ouest, donc vers
l'intérieur de l'Atlantique, car poussé par les eaux froides du
courant du Labrador qui
refroidit et ralentit beaucoup le Gulf Stream (température : 25°C, vitesse
8km/jour). Aux abords de l'Europe, il se sépare en deux ramifications; une
dirigée vers l'Islande, et l'autre vers l'île des
Açores soufflent
Arrivées à l'extrême Nord de la Norvège, et au niveau des côtes du
Portugal, les deux ramifications du Gulf Stream ont refroidi (alors à
environ 2°C), leur salinité a fortement augmenté en raison de
l'évaporation, leur densité augmente énormément, entraînant leur plongée
dans les couches océaniques inférieures. On ne parle plus alors de Gulf
Stream.

|
Le
Gulf Stream a-t-il une influence sur le climat ?
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Le Gulf Stream
baigne de ses eaux chaudes une partie de la côte Atlantique de l'Europe du
Nord Ouest, c'est à dire:
- la façade Ouest du Royaume
Uni
- la côte Atlantique en France
- le pays basque espagnol
... et de manière moins importante les côtes islandaises et
norvégiennes.
En 1855, un lieutenant de
marine américain, Maurice Fontaine Maury, publia The Physical
Geography Of The Sea and its Meteorology, un ouvrage qui connut un
succès retentissant, dans lequel il affirmait que le Gulf Stream
avait un rôle essentiel dans la régulation des
températures sur l'Ouest de l'Europe en hiver. En se basant sur
des observations réalisées de part et d'autre de l'Atlantique, l'auteur
conclut que le Gulf Stream, seule vraie source de chaleur locale était
responsable du climat hivernal particulièrement doux. Mais ses
observations étaient toutefois un peu faussées en raison de l'absence de
relevés climatiques précis en haute mer. Par conséquent, l'auteur ne
faisait pas la distinction entre les climats "maritimes" et continentaux,
fondamentalement différents. Le Gulf Stream expliquait donc pour Maurice
Fontaine Maury l'écart de température de 15°C en hiver, entre l'Est
canadien et l'Europe de l'Ouest.
Ainsi en hiver, selon cette théorie, le Gulf Stream, courant chaud,
transférait son énergie thermique aux vents d'ouest refroidis. Il
stabiliserait donc de manière importante le déséquilibre entre les couches
atmosphérique et océanique, dû à un rayonnement solaire moins important.
Les deux couches s'équilibreraient, réduisant de la sorte le
refroidissement des températures.

Le Gulf
Stream vu par les radiomètres très haute résolution
Cette théorie est la plus
connue, et la plus retenue, à tel point qu'elle est presque devenue une
certitude ! voire même "folklorique", et on la retrouve partout, que ce
soit dans les livres de Géographie, les guides touristiques, les
Encyclopédies... Elle n'a pas été retenue par sa justesse, mais simplement
parce que elle était la seule ! mais elle est très ancrée dans les
esprits. Elle a été soutenue jusqu'à très récemment, on retrouve des
articles la confirmant jusqu'en 1997. Mais le défaut de cette thèse,
vieille de plusieurs siècles, est qu'elle n'a jamais été démontrée par des
procédés modernes, même si elle semble être assez évidente. De plus, un
élément semblant confirmer cette conjecture, était que durant la dernière
ère glaciaire, le Gulf
Stream s'était à de nombreuses reprises ralenti, et avait
raccourci sa course suite à des augmentations des températures en Europe.
Cela entraînant un retour progressif vers celles habituelles. Le dernier
ralentissement de ce type s'est produit il y a environ 15.000 ans. La
diminution moyenne de la température européenne suite à ces
ralentissements était d'environ 5°C (avec parfois des variations plus ou
moins importantes).
Désormais, une
nouvelle théorie a été énoncée, ne niant pas l'influence du Gulf
Stream sur le climat européen, mais la minimisant fortement. Elle résulte
du travail d'un groupe de chercheurs américains, dirigé par Richard Seager,
Senior Research Scientist de l'université Columbia, aux Etats Unis. Elle a
pu voir le jour grâce aux progrès informatiques ayant permis d'analyser
"d'un seul bloc" toutes les informations climatologiques disponibles
depuis 1949 jusqu'à ce jour, et dans le monde entier ! Cette nouvelle
théorie s'appuie, en plus des observations, sur des simulations
climatologiques toujours plus réalistes. Le contenu global en est que les
courants marins, grandes réserves de chaleur, servent plus à compenser le
déséquilibre de température entre l'équateur et les pôles. En revanche,
aux latitudes moyennes, les courants atmosphériques atlantiques
plus que les courants marins en eux-mêmes seraient les acteurs majeurs de
la douceur de notre climat. Trois phénomènes
participeraient à la douceur hivernale du climat européen. En premier
lieu, le déstockage de la chaleur accumulée en été,
durant la saison hivernale. En second lieu, effectivement, le
transport d'eaux chaudes par le Gulf Stream, des tropiques vers
le nord, dont l'énergie est dissipée dans l'atmosphère. Enfin, on a mis en
évidence le rôle important de la circulation générale des vents au dessus
de l'Atlantique, et notamment les "méandres" créées par les Montagnes
Rocheuses de l'Est des Etats-Unis. Ce sont de longs vents, très fins,
circulant de l'Est vers l'Ouest, réchauffés par le destockage de la
chaleur de l'océan Atlantique. Son rôle aurait été largement sous estimé
auparavant en l'absence de données précises concernant le climat
"maritime", Ce destockage aurait, grâce aux tempêtes tropicales hivernales
au dessus de l'Atlantique, d'après R. Seager, assez d'énergie à
lui seul pour expliquer la douceur du climat hivernal européen.
Cela tend à être confirmé par les simulations de l'équipe, qui montrent
que sans les Rocheuses, ou sans ces vents provenant des Rocheuses, les
températures en Europe seraient inférieures de 27°C ! Au final, le
gain thermique apporté par le Gulf Stream ne serait que de
deux ou trois degrés au niveau de l'Europe (un peu plus
au Nord, éloignant la zone de formation des glaces) soit à peine
un peu plus de 10% de l'énergie thermique transmise à
l'atmosphère. La véritable explication des différences de
températures aux mêmes latitudes sont donc les reliefs,
et non le Gulf Stream.

Cette nouvelle théorie a
bien sûr fait l'effet d'une bombe sur les climatologues: tout ce qu'ils
avaient affirmé auparavant se trouve ainsi remis en question. Toutefois
cette thèse est particulièrement convaincante sur
plusieurs aspects: elle ne contredit pas totalement les observations ayant
étayé la théorie du Lieutenant ... , puisque les relevés climatologiques
consécutifs à un arrêt du Gulf Stream avaient montré une baisse d'environ
5°C du climat européen, et la théorie du Richard Seager les rejoint même
encore plus que la précédente. Un autre point intéressant est que ces
recherches font réapparaître la différence entre les climats maritime et
continental, ignorés auparavant, faute de relevés climatologiques précis.
Le Gulf Stream a donc en fin de compte un effet sur le climat européen,
mais très minime.
Toutefois, les conclusions de ces recherches ne rassurent pas pour autant
la plupart des scientifiques, inquiets d'un "arrêt" du Gulf Stream. Le
Gulf Stream est certes le facteur le
moins important de sa régulation du climat en Europe, mais il est le
plus influençable de tous. La connaissance des climats
passés permet d'avoir une idée des conséquences de cet évènement, mais
rien ne peut assurer qu'elles seront les mêmes ! à plusieurs dizaines de
milliers d'années d'intervalle. Un arrêt pourrait donc avoir avoir des
conséquences bien plus graves que celles supposées
auparavant, et ce sur toutes les régions bordant l'Atlantique.
Le Gulf Stream et
El-ñino tendrait à montrer que les mouvements océaniques ont toujours
une influence plus ou moins importante sur le climat global. Les
mécanismes de cette influence sont aussi variés que méconnus. Mais cela
n'est en aucun cas une affirmation; nous n'avons fait que recouper les
différentes thèses mises à la disposition du public, les chercheurs
n'ont à ce jour rien prouvé et l'on commence tout juste à comprendre les
mécanismes de l'influence des courants marins sur l'atmosphère. Quand
aux courants de profondeurs, on ignore encore beaucoup de choses à leur
sujet en raison de la difficulté d'obtenir des mesures très précises.
L'avenir de cette science nouvelle réside dans des simulations
informatiques toujours plus poussées qui demandent malheureusement des
puissances de calculs phénoménales, ralentissant les progrès. C'est de
l'intreprétation de ces résultats que les scientifiques pourront
clairement mettre en évidence les mécanismes d'intéraction entre
courants marins et le climat planétaire.
Il ne faut pas perdre de vue qu'à l'échelle globale les courants marins
ne constituent eux-mêmes que l'un des facteurs consituant la grande
machine climatique terrestre et que leur connaissance permettra de mieux
comprendre la mise en place des climats. Le but utlime de toutes ces
sciences sera de pouvoir dans un futur plus ou moins proche composer des
modèles mathématiques universels permettant de prévoir et d'avoir une
action sur le futur de la Terre.
|
Les courants marins vont-il
changer ?
Source : Jean-Marc Jancovici, membre du
Comité de Veille Ecologique.
Site perso.
Cela est parfaitement possible, car ces
courants ne sont pas indifférents aux conditions climatiques du moment, et nous
avons par ailleurs la trace de nombreux épisodes d'arrêt des courants marins
profonds dans le passé.
Il existe deux grandes catégories de courants
marins :
La
circulation océanique horizontale, notamment celle à grande échelle, comme par
exemple le Gulf Stream (c'est celle-là que l'on voit dessinée sur les cartes,
en général).
Les
courants qui vont des profondeurs des océans vers la surface puis replongent
vers les profondeurs. Ils sont basés sur des
différences de température
(l'eau froide est plus dense que l'eau chaude) et de
salinité
(l'eau salée est plus dense que l'eau douce) entre les différentes couches de
l'océan. Les plus profonds portent le nom de
courants thermohalins
(voir ci-dessous), et ceux qui vont un peu moins en profondeur portent le nom
de circulation
thermocline. Il est facile de voir que
l'on retrouve dans ces deux termes la racine "thermo", qui désigne la chaleur.
Panorama des différents
courants se produisant entre la surface et les couches plus ou moins
profondes de l'océan, avec les durées de cycle. "Zone Photique" est la
zone qui reçoit la lumière (à peu près les 100 premiers mètres
d'épaisseur). Source : GIEC,
1996 |
L'un de ces courants est particulièrement
important pour l'océan mondial : il s'agit de la plongée des eaux en mer de
Norvège, durant l'hiver. Les eaux de surface qui remontent l'Atlantique par le
biais du Gulf Stream se chargent en sel, à cause de l'évaporation (une partie
de l'eau évaporée retombe sur l'océan, bien sur, mais une autre partie retombe
sur les continents et n'est restituée que "plus tard"), et deviennent plus
froides, chacun de ces phénomènes contribuant à les rendre plus denses.
Au moment de l'hiver, une partie du sel
contenu dans l'eau de mer qui gèle pour former la banquise est expulsé et
renforce encore la salinité de l'eau de mer qui ne gèle pas, laquelle se met
alors à être tellement dense qu'elle "plonge" vers les profondeurs.
Le point capital, c'est que les courants de
surface de l'océan mondial et cette plongée des eaux dans la mer de Norvège sont
interconnectés : ce courant thermo halin sert de "moteur" à la circulation
océanique globale, ce qui est illustré par le petit graphique ci-dessous.
Ce schéma représente la
circulation océanique mondiale, qui brasse entre eux les différents océans
du globe et les diverses profondeurs de l'océan.
Il n'y a que deux endroits
au monde où s'effectue la plongée des eaux : pour l'essentiel dans la mer de
Norvège, près du Groënland, et pour une petite partie près de l'Antarctique,
dans un endroit appelé Mer de Wedell.
Image reprise de "Système
Terre", d'Ichtiaque RASOOL, Collection Dominos, Flammarion, 1993 |
Or ces courants verticaux (on parle aussi de
courants convectifs)
sont très sensibles à des petites variations de température. Par exemple, le
phénomène El Niño commence par un réchauffement modeste (2 ou 3°C) de la
température de surface des eaux d'une région du Pacifique, réchauffement qui
affecte la circulation
thermocline et provoque par
enchaînement des perturbations très significatives dans de grandes régions du
monde.
Or à l'avenir de telles évolutions pourraient
se produire à encore plus large échelle. En effet, nous avons vu que :
le réchauffement sera particulièrement marqué près des pôles, et
concernera donc la mer de Norvège de manière significative, or si l'eau s'y
réchauffe en surface elle deviendra moins dense,
le changement climatique devrait se traduire par une augmentation de la
pluviométrie aux hautes latitudes (notamment dans le Nord de l'Europe et du
Canada), ce qui va provoquer un apport d'eau douce dans l'Atlantique Nord, qui
va diminuer la salinité et donc la densité sous ces l'attitudes.
Ces deux phénomènes pourraient atténuer, ou
supprimer, la plongée des eaux en mer de Norvège, et déstabiliser par la suite
l'ensemble de la circulation mondiale.
Diminution du flux nord atlantique (qui se
mesure en Sv ; 1 Sv = 1.000.000 m3/s), selon les modèles (dont les sigles -
barbares ! - sont en légende), pour une concentration en CO2 dans
l'atmosphère atteignant 720 ppmv en 2100, avec une élévation de température
moyenne de 2,5 °C à la fin du XXIè siècle - ce qui est plutôt dans le bas de
la fourchette). Le flux actuel est de 25 SV.
Source : Climate Change 2001, the
scientific Basis, GIEC |
Est-ce un risque sérieux ? Un tel
ralentissement de la circulation dans l'Atlantique Nord s'est produit à de très
nombreuses reprises durant la dernière ère glaciaire, ainsi que pendant la
dernière déglaciation (le dernier épisode d'arrêt de la circulation s'est
produit il y a 15.000 ans, quand la déglaciation avait déjà commencé). La cause
de ces épisodes passés a été des gigantesques débâcles d'icebergs au Groenland
et sur la Canada actuel (d'où leur survenance en période glaciaire) qui ont
amené une quantité considérable d'eau douce dans l'Atlantique, ce qui a perturbé
la plongée des eaux de la mer de Norvège, et engendré par contrecoup un quasi
arrêt de la circulation dans l'Atlantique Nord.
Il s'en est ensuivi une baisse massive des
températures en Europe (5 à 6°C de baisse de la moyenne annuelle), survenue en
quelques décennies seulement. Ces phénomènes ont reçu le nom de "surprises
climatiques".
Variations rapides de température mises en
évidence durant les 100.000 dernières années et explications. Source : E.
Bard, Climate Shock: Abrupt Changes over Millennial Time Scales,
Physics Today, décembre 2002
(article hautement recommandé à toute personne intéressée sur le sujet).
La courbe du haut (Johnsen & al., 2001)
montre la température moyenne de l'air au Groenland reconstituée à partir de
la proportion d'oxygène 18 ou de deutérium dans la glace. Elle met en
évidence des variations de 15 à 20 °C de la température moyenne au-dessus du
Groenland. La courbe du mileu (Bard & al., 2000 ; Pailler & Bard, 2002)
montre qu'au même moment des variations de 5 °C ou plus de la température
moyenne de surface de l'Atlantique Nord sont survenues (températures
reconstituées à partir de la présence plus ou moins forte dans les sédiments
marins de molécules particulières - les alkénomes - dont la formation est
conditionnée par la température du moment des eaux de surface).
La 3è courbe partant du haut (Thouveny &
al.) montre que ces variations de température sont concomitantes d'une
accumulation sur le fond de l'océan de sédiments "détritiques glaciaires"
(pics vers le haut), lesquels viennent des continents. Ces sédiments sont
des petits cailloux qui se sont incrustés sous les glaciers du Groenland ou
du Laurentides (une énorme calotte glaciaire qui reposait sur ce qui est
maintenant le Canada) et qui sont restés "collés" au moment ou les
extrémités de ces glaciers ont expulsé des icebergs vers l'océan. Ces
"petits cailloux" sont ensuite tombés sur le fond de l'océan au fur et à
mesure que les icebergs fondaient. En dehors des débâcles glaciaires, cette
espèce de sédiments se dépose beaucoup moins sur le fond de l'océan.
La courbe du bas de l'ensemble ci-dessus (Shackelton
& al., 2000) montre que la ventilation (c'est à dire l'apport d'oxygène) de
l'océan Atlantique profond aux époques de ces débâcles a fortement diminué
(pics vers le bas). Cette ventilation est reconstituée en analysant les
proportions respectives de carbone 12 et carbone 13 dans les sédiments,
sachant qu'en fonction de la teneur en oxygène dans l'eau le métabolisme de
petits animaux marins profonds (les foraminifères benthiques) privilégie
plus ou moins le carbone 13. cette diminution de la ventilation suggère un
ralentissement de la circulation océanique profonde, précisément à l'origine
de cette ventilation.
Cette dernière courbe (Sanchez & al. 2000)
confirme les variations de température sur ls continents, en montrant que
les pollens de l'époque ont rapidement changé de nature (espèces tempérées
<-> espèces "steppiques") en réponse à ces modifications brusques du climat. |
A l'avenir, l'augmentation de la pluviométrie
sur l'Atlantique Nord pourrait engendrer de telles "surprises", avec, dans un
contexte de réchauffement global, une baisse brutale - et peut-être
catastrophique - des températures en Europe.
Un exemple de conséquence
de la déviation d'un courant marin (le Gulf Stream). |
Mais le ralentissement des courants marins
convectifs pourrait avoir une deuxième conséquence très désagréable : comme ce
sont eux qui ramènent des profondeurs les sels minéraux indispensables à la
croissance du plancton végétal (que l'on appelle le phytoplancton), qui démarre
la chaîne alimentaire marine, et que ce sont aussi ces courants qui amènent
l'oxygène dans les fonds des océans, où ils permettent la vie, leur
ralentissement pourrait affaiblir toute la vie marine en général, laquelle n'a
pas nécessairement besoin de cela !
D'après l'auteur un arrêt de la circulation océanique
profonde en 2120 amènerait en Europe le climat du Québec
CLIMATOLOGIE. Etude des rapports entre le réchauffement et le
Gulf Stream
Un courant qui craint l'eau douce
Par SYLVESTRE HUET |
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Le
Gulf Stream transporte de l'eau
chaude des tropiques, à travers l'Atlantique Nord, jusqu'en mer de
Norvège. Ses eaux s'insèrent ensuite dans la circulation océanique
profonde et plongent vers les abysses. Lorsque cette plongée est
stoppée, le Gulf Stream ne peut
plus réchauffer l'Europe, comme cela a déja
eu lieu dans le passé.
|
aris,
qui n'est guère plus bas en latitude que Montréal, subira-t-il un jour
les hivers québécois? Lesquels sont certes magnifiques, mais si longs.
C'est que la Belle Province est refroidie par le courant
du Labrador, venu
du Nord. Alors que l'Europe de l'Ouest
bénéficie du Gulf Stream, un courant
chaud venu des tropiques.
Un Gulf
Stream qui, depuis quelques années, focalise l'attention des
climatologues. Dans la revue Nature de la semaine dernière, deux
articles rendent compte d'expériences numériques qui tentent d'explorer
ses caprices passés et son éventuelle réaction face au réchauffement
futur de la planète pour cause d'effet de serre renforcé par la
pollution. «C'est une étape cruciale», explique Denis Paillard,
du laboratoire des sciences
du climat (CEA-CNRS), saluant ainsi le
travail de ses collègues Andrey Ganopolski et Stefan Rahmstorf (1). Les
deux climatologues de Potsdam (Allemagne) ont concocté un système
océan-atmosphère sur ordinateur qui révèle comment s'opèrent les brutaux
changements de régime du Gulf Stream
durant la dernière ère glaciaire, il y a 100 000 à 10 000 ans.
Abysses. Pour obliger ce courant chaud
à modifier sa course, il faut l'empêcher de plonger. Le
Gulf Stream fait en effet partie d'une
boucle. Il n'est que la partie visible, à la surface de l'océan, d'un
courant qui plonge vers les abysses - aujourd'hui en mer de Norvège -,
puis circule au fond de l'Atlantique, en direction
du sud. Stopper cette plongée, le
talon d'Achille de la boucle, bloque l'ensemble de la circulation. Pour
empêcher l'eau chaude de plonger, il suffit d'en diminuer la densité.
Autrement dit, alimenter le nord de l'Atlantique par un surcroît d'eau
douce, moins dense que l'eau salée. Mais dans quelles quantités et
comment?
Durant les années 1980 et 1990, les
paléoclimatologues ont découvert de formidables variations climatiques,
enregistrées dans les glaces du
Groenland et les sédiments marins recueillis au fond de l'Atlantique
Nord. A six reprises, entre 70 000 et 17 000 ans, des débâcles
d'icebergs provenant des calottes polaires canadienne et scandinave sont
venues libérer leur eau douce en plein milieu de l'Atlantique Nord, à la
latitude de l'Espagne. Le Gulf Stream
s'est retrouvé bloqué, et la température a brusquement chuté.
Mais l'apport d'eau douce par des
icebergs n'est pas la seule cause expliquant le blocage
du Gulf Stream, et donc les
refroidissements brutaux du climat en
Europe de l'Ouest. En effet, il n'y a pas de traces de débâcle glaciaire
pour une vingtaine d'allers-retours climatiques
du chaud au froid (baptisées
oscillations de Dansgaard-Oeschger) repérés par les climatologues entre
80 000 et 15 000 ans. Des périodes glaciaires où les températures
moyennes annuelles ont tout de même varié de 10 degrés en moins d'un
siècle. Comment expliquer, alors, que le Gulf
Stream ait pu se bloquer et se débloquer aussi rapidement?
«Instabilité». La simulation
informatique de Ganopolski montre qu'il suffit d'un changement
relativement faible du bilan eau
douce-eaux salées (pluies, débit des fleuves, évaporation, formation de
glace) pour obtenir cette bascule. Si l'on ne compte que sur les fleuves
arctiques une variation de 30 % de leur débit déclenche le phénomène.
Conclusion des chercheurs: en période glaciaire, la circulation
océanique profonde est «instable».
A l'inverse, le régime actuel semble
beaucoup plus difficile à bousculer. C'est ce que montre une autre
simulation (2), réalisée par Alex Hall et Ronald Stouffer. Leur
ordinateur a suivi l'équivalent de 15 000 ans d'évolution
du Gulf Stream. Avec une hypothèse
d'école, sans perturbation climatique ni pollution humaine. Résultat: le
courant ne s'arrête qu'une seule fois, en raison de vents persistants
apportant de l'eau douce et froide au-dessus de l'Atlantique Nord.
Paradoxe. Qu'en conclure? Pour les deux
chercheurs, le risque d'un arrêt du Gulf
Stream actuel semble «faible». Mais il pourrait
«augmenter» avec le réchauffement futur de l'atmosphère provoqué par
le doublement probable de sa teneur en gaz à effet de serre. De quoi
provoquer une arrivée d'eau douce sur l'Arctique trois fois plus
importante que celle utilisée par Ganopolski dans son modèle.
Paradoxalement, le coup de chaud global de l'atmosphère pourrait donc
refroidir le climat de l'Europe du
Nord.
(1) Andrey Ganopolski et Stefan
Rahmstorf, Nature du 11 janvier 2001.
(2) Alex Hall (Lamont Doherty Earth
Observatory de New York, Etats-Unis) et Ronald Stouffer (GFDL de
Princeton, New Jersey, Etats-Unis). Nature du
11 janvier 2001. |
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